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Depuis que j’ai commencé cette série d’articles j’ai abordé plusieurs écrivains que je n’avais pas spécialement choisis (le choix du sujet se faisant à tour de rôle dans mon groupe de lecture), et cependant ils ont tous un point commun : un traumatisme dans la petite enfance.
Je rappelle ce que dit ANDRE GREEN à ce sujet.
« L’écriture présuppose une plaie et une perte, une blessure et un deuil, dont l’œuvre sera la transformation visant à les recouvrir par la positivité fictive de l’œuvre »
Cherchons donc cette blessure chez Romain Gary.
Dans la petite enfance, probablement.
Qui étaient ses parents ?
SA MÈRE, divorcée, remariée à 35 ans. Elle était très maternelle, dominante, mère phallique, voire castratrice, mais dévouée à l’extrême : elle ne vit que pour son enfant.
SON PÈRE était présent au foyer la première année de la vie de Gary, mais il part à la guerre, il est absent 5 ans (1915-20), puis il revient au foyer en 1920 mais le quitte pour une autre femme en 1925. On ne sait rien de son caractère. Il avait épousé une femme divorcée et plus âgée, choix peu conventionnel. C’était un négociant aisé qui avait aussi des activités à la synagogue.
GARY est un enfant unique qui mène une vie normale entre père et mère, dans la famille du père, pendant une année. Mais vers un an il perd donc son père.
Quelles en sont les conséquences ?
Il le perd au moment où il émerge du lien fusionnel, duel, avec la mère : au moment de l’éveil de la conscience, de la prise de conscience du tiers, le père, celui à qui la mère appartient, au moment de l’accès à la fonction symbolique. L’Œdipe est entravé : pas de résolution normale possible par identification au père qui disparaît.
Il reste donc au stade de l’Œdipe archaïque : la mère n’est plus partie de lui, confondue avec lui comme dans l’étape fusionnelle, elle devient objet de désir et d’amour incestueux. Le père symbolise en effet l’interdit de l’inceste.
En outre, ceci se passe durant la phase sadique-anale qui fait suite à la phase sadique-orale : dans la colère l’enfant détruit en souillant avec ses excréments. Comme un relatif arrêt de développement se produit, certains éléments primitifs, au lieu d’évoluer, restent fixés et contaminent, si je puis dire, l’évolution vers l’érotisme génital. (On pourrait évoquer le complexe fécal dont parle Marie BONAPARTE).
Et c’est aussi la fin de la phase dépressive, celle où l’enfant désespéré d’avoir détruit la « Bonne Mère » dans la colère tente de la réparer car il a pris conscience que la Bonne et la Mauvaise mère ne faisaient qu’une et qu’en détruisant la mauvaise il détruisait la bonne. La réapparition de la mère le rassure, lui confirme qu’il ne l’a pas détruite.
Le petit enfant jaloux détruit aussi en imagination le père, cet intrus qui rompt l’union fusionnelle, et il le reconstruit, comme la Bonne Mère, mais si les événements confirment qu’il l’a bien détruit, il en résulte désespoir et culpabilité, une très forte culpabilité parce que l’enfant croit avoir tué le père, d’une part, et d’autre part, parce le lien œdipien à la mère, interdit, se trouve renforcé.
ROMAIN GARY dit accepter toutes les souffrances parce qu’il se sent infiniment coupable.
Et lorsque les tentatives de réparation échouent, puisque le parent ne réapparaît pas, on a le point de départ de la cyclothymie (se rappeler CAMUS, maniaco-dépressif lui aussi).
Les éléments du psychisme restent plus ou moins dispersés, ne se combinent pas pour constituer un ensemble cohérent et il reste dans le psychisme, comme nous l’avons dit, des éléments non évolués de phases plus primitives. Il est difficile d’intégrer les éléments du moi pour atteindre un Moi unifié.
En résumé : relatif arrêt de développement avec fixation d’éléments primitifs, difficulté à intégrer les diverses instances du psychisme, d’où troubles de la formation du Moi, et forte culpabilité.
C’est un tableau général puisque nous ne connaissons pas de détails sur sa petite enfance, mais nous pouvons aller plus loin pour comprendre l’évolution de ROMAIN durant les années suivantes à la lumière de ce que nous savons sur sa mère.
LA MÈRE
Nous voyons un enfant dont le fonctionnement psychique normal est affaibli par un traumatisme grave : c’est principalement le MOI qui sera, on pourrait dire, mal charpenté.
De la mère nous savons beaucoup de choses, nous pouvons donc nous faire une idée de l’évolution de l’enfant durant ces six années qui sont celles de la formation psychique.
Le lien œdipien à la mère est renforcé, et très fort dans le cas de GARY : l’enfant lui est presque entièrement livré, d’autant plus que les circonstances de leur vie à cette époque ne pouvaient que resserrer ce lien. Les pertes se succèdent. A la perte du père s’ajoute le déménagement chez les grands-parents maternels après le départ du père : perte des repères spatiaux qui commençaient à s’installer. Un an après, ils sont plus ou moins déportés en Russie, nouvelle perte des repères (et refuge vers la mère).
De plus la mère phallique dominante lui impose un modèle de MOI qui écrasera en quelque sorte un moi en train de se former et qui, comme nous l’avons vu, attaqué de tous les côtés, reste archaïque.
Ce modèle, nous le connaissons bien : « Tu seras un héros, mon fils, tu seras un grand écrivain français, tu seras un diplomate et un homme à femmes ». Nous devons remarquer, en tout cas, qu’elle ne cherche pas à le garder « fils à maman » : elle lui inculque un idéal viril.
Mais elle impose à un moi en formation et en détresse un modèle extérieur à lui. Une sorte d’échafaudage qui le charpentera et le soutiendra toute sa vie mais le mettra en porte-à-faux avec soi-même. Un FAUX-SELF, carcasse protectrice mais qui écrase et mutile le développement autonome, personnel. Le vrai Moi est dévalorisé et coupable.
Ce clivage du moi peut aboutir à la schizophrénie : absence d’être, dépersonnalisation, sentiment d’être quelqu’un d’autre : «…la conscience-poursuite de l’auteur Gary s’incarne fréquemment dans des personnages qui courent après leur identité. » dit Guy AMSELLEM.
« Un sentiment étrange de gêne s’empara de moi : j’eus soudain la sensation d’être quelqu’un d’autre. » dit Romain GARY dans « LA PROMESSE DE L’AUBE».
Il est dangereux d’imposer à un enfant dont l’intégration des éléments psychiques a été rendue difficile par la perte du père un moi en quelque sorte étranger.
Il n’a pas d’identité parce qu’il en a une fausse, il est multiple parce que derrière cette structure protectrice et mutilante imposée par la mère il y a tout de même des embryons de Moi, non intégrés ni unifiés, puisque leur évolution normale vers la maturité et l’intégration psychique a été entravée. Dans PSEUDO il dit : « C’est bien moi cette absence de moi-même ».
(En moins extrême, on trouve le même phénomène chez CAMUS : on peut se rappeler la dépersonnalisation dans « L’ÉTRANGER »).
La course aux identités caméléonesques de GARY trouve son point culminant dans « PSEUDO », d’après Pierre BAYARD, et s’apparente au discours de la psychose, en particulier de la schizophrénie.
Mais j’ajouterai ici un point de vue personnel car la perte du père ne me suffit pas pour expliquer le trouble profond, voisin de la psychose, de ROMAIN GARY (de même que le père terrible ne suffisait pas à expliquer KAFKA) et aussi, pour expliquer sa réussite, malgré ce trouble dévastateur, dans l’exécution du programme de sa mère.
Le traumatisme lié à la disparition du père à un moment crucial du développement de l’enfant ainsi que l’imposition par la mère d’une personnalité qu’on peut dire factice – le « faux-self »- peuvent expliquer en partie les troubles de l’intégration du moi et la cyclothymie, mais ce qui m’étonne, c’est la RÉUSSITE : il est devenu tout ce que sa mère voulait : écrivain, diplomate, même héros de la guerre. Où a-t-il trouvé cette passion et cette force pour mener à bien trois éminentes carrières ?
Et comment expliquer cette faiblesse qui le fait finir par un suicide malgré sa réussite ?
Le traumatisme lié à la perte du père ne me paraît pas expliquer suffisamment cette RÉUSSITE malgré la psychose, pas plus que L’ÉCHEC FINAL, le suicide.
Je reviens à la MÈRE pour essayer de les comprendre.
AMSELLEM dit, p.221, dans « Romain GARY : Les métamorphoses de l’identité » : « Il lui a manqué « UN PÈRE RÉEL » et « UNE MÈRE SUFFISAMMENT BONNE »
Avoir une mère telle que celle de Romain GARY et la considérer comme insuffisamment bonne ?
Elle lui a donné le regard le plus sélectif que peut donner une mère : elle le voit en héros, en homme célèbre, elle se dévoue pour lui au prix de tous les sacrifices.
Mais pourquoi cette haine de soi, (relevée par ANISSIMOV) quand on est tellement aimé par sa mère ? Pourquoi la menace de désagrégation psychique quand on réussit sur tous les plans ? Et pourquoi la création littéraire est-elle si compulsive, donc si indispensable ? Il devait en effet écrire chaque jour.
Et aussi pourquoi cette incroyable force pour réaliser les objectifs difficiles de sa mère ?
Je vois chez lui un autre traumatisme majeur que la perte du père, un autre « deuil », qui me permettra peut-être de justifier ce jugement d’AMSELLEM « pas une mère suffisamment bonne » (qu’il ne justifie pas lui-même) et d’expliquer la force (désespérée) et la faiblesse de GARY.
Je reviens aux rapports avec cette mère en partant d’un élément biographique dont personne ne fait cas, à ma connaissance, un élément biographique cité en passant par MYRIAM ANISSIMOV :
Elle signale qu’il avait eu un frère, ou bien un enfant du premier mariage ou bien un frère né avant lui mais mort.
Dans « PROMESSE DE L’AUBE » sa mère lui dit souvent de lever les yeux d’une certaine manière : elle les contemplait puis se mettait à pleurer.
Ce n’est pas lui qui la fait pleurer : il semble qu’elle voie un autre en lui : mais qui ? Un homme aimé ? Je parie pour un enfant perdu : il n’y a qu’un bébé qui, dans les bras de sa mère, lève les yeux ainsi vers elle. Elle demande en effet à Romain une position très particulière.
Et je fais de ROMAIN un enfant de remplacement.
La pire situation pour un enfant : on veut ignorer ce qu’il est et on lui demande d’être un autre.
On l’aime certes, et même parfois désespérément parce qu’on en a perdu un avant et que la culpabilité ressentie inconsciemment par la mère pour le manque d’amour est compensée par un excès d’amour conscient.
Cela ne diminue donc pas l’amour de la mère, mais il y a un malentendu profond que l’enfant ne peut pas ne pas ressentir. Quand il regarde sa mère il sait que c’est un autre qu’elle lui demande d’être et qu’il ne peut pas être.
Il veut désespérément être cet autre pour être aimé de sa mère : c’est une manière de se décentrer et de ne pas être soi, et peut-être de haïr ce SOI qui l’empêche d’être celui que sa mère aime. Il faut se rappeler la « la haine de soi » qu’il éprouve).
Et en grandissant il se conforme, on pourrait presque dire encore une fois désespérément, à l’idéal imposé par sa mère, comme s’il croyait en l’incarnant devenir cet autre qu’elle cherche en lui. C’est là l’origine de la force qu’il a dû avoir pour réaliser les objectifs de sa mère.
Mais là le malentendu redouble : peut-être qu’elle-même en lui imposant un idéal, celui d’être un autre, espère inconsciemment que cet idéal réalisé lui rendra le petit dieu qu’elle a perdu. Leurre, car le héros, même réussi, ne sera jamais l’être qu’elle a perdu.
Donc il devient autre (le faux self) pour être aimé de sa mère et cet autre n’est même pas celui qu’en réalité elle lui demande d’être.
Oui, sa mère l’a donc passionnément aimé, mais c’est un autre qu’elle aimait en lui : suprême trahison ? Il a le sort tragique des enfants de remplacement.
On peut donc bien dire avec AMSELLEM qu’il lui a manqué « UN PÈRE RÉEL » et « UNE MÈRE SUFFISAMMENT BONNE ».
NOTE COMPLEMENTAIRE
J’aimerais ajouter quelques réflexions complémentaires sur deux points :
Le premier concerne le déni du père, dont certains commentateurs font grand cas.et qui a fait penser qu’il était un bâtard.
Le second concerne les niveaux d’écriture de ses œuvres.
Ce déni est beaucoup plus complexe et moins radical qu’il ne paraît à certains.
Mais pour être intelligible je dois redire un mot des conditions de la création littéraire, du rôle de la mère et du père dans l’acte de création.
Le facteur moteur de l’œuvre est : le « désir de la mère », désir de retour au sein maternel, au paradis perdu, avivé par un traumatisme (« le deuil » signalé par ANDRE GREEN).
Et ce qui rend la création possible, c’est l’amour sélectif de la mère. « La créativité est intrinsèquement liée à la quantité et à la qualité de l’apport offert par l’environnement maternel à l’aube de la vie », disent Roger MISES et Christian MILLE. Dans p.90.
(Dali a eu une mère surprotectrice ; Proust, Barthes, Baudelaire aussi) Un lien privilégié unit donc le créateur à sa mère : « maternage jocastien » pour employer un concept de Matthew BESDINE, qui porte donc le caractère du lien oedipien interdit.
Importance donc du regard maternel pour la créativité : cet amour de la mère valorise l’enfant.
Mais il a un côté négatif : il renforce le lien œdipien dangereux.
En ce qui concerne le père, DIDIER ANZIEU dit : « Créer, c’est toujours tuer imaginairement ou symboliquement quelqu’un, le processus étant facilité si ce quelqu’un vient à mourir car on peut le tuer avec de moindres sentiments de culpabilité. » p.94
Le meurtre du père permet au génie d’exister, de se faire un nom et de prendre la place du père dans le lien incestueux avec la mère. Il est toujours fortement entaché de culpabilité.
Ce processus est facilité chez GARY puisque le père est deux fois « mort » : quand il est parti à la guerre et quand il est parti avec une autre femme. Puis-je dire qu’il a moins qu’un autre à le tuer ? Pourquoi alors est-ce que c’est un leitmotiv dans son œuvre ?
Tous les créateurs tuent leur père, mais c’est un processus inconscient : ils ne le savent pas, ils ne le disent pas. Ils prennent des pseudos sans savoir pourquoi. Tuer le père est aussi inconscient que s’unir à la mère.
Si ROMAIN le fait consciemment, cela veut dire que c’est un symptôme.
Symptôme de quoi ?
Les commentateurs mettent en vedette le CAMELEON et l’auto-engendré qui change de nom et dénie sa filiation au point qu’on s’est demandé, avant qu’ANISSIMOV ne fasse le point, s’il n’était pas un bâtard.
Je relativiserai ce déni :
Administrativement il a généralement décliné son identité et sa filiation
Il a publié ses premières œuvres sous son vrai nom, malgré le jeu des pseudos qu’il partageait avec sa mère dans son adolescence.
Il a pris un pseudonyme relativement tard : la guerre en a été l’occasion : il s’agissait de protéger des parents en Pologne.
Il en a pris un parfois, pour de bonnes raisons : Sinibaldi par ex.
Et finalement en nombre limité.
Seul le nom d’AJAR a un autre sens : il n’est pas circonstanciel comme les autres pseudos.
ANISSIMOV nie que ce soit le truc d’un écrivain sur le déclin pour se relancer car il y avait pensé plusieurs années avant. Ce sera une exception à expliquer. Mais habituellement, comme le remarque ANISSIMOV, il choisit des noms appropriés en fonction de l’intérêt à le faire : cela ne semble pas être compulsif. Selon elle, il n’est pas mythomane.
En outre, Gary lègue à son fils une photo de son père en soulignant trois fois le mot père : donc il le reconnaît comme tel et semble veiller à ce que son fils n’ait pas de doute.
Je pense que dans cet acharnement, dans les romans (non dans la réalité) à éliminer le père il y a un déplacement : Gary se sent multiple, sans identité, avec plusieurs identités incertaines, labile, dépersonnalisé, dépossédé de soi-même, en quelque sorte, inexistant : il transpose dans l’axe diachronique un sentiment qu’il éprouve constamment sur un plan synchronique. Il rationalise en quelque sorte. Comme s’il disait : « Je me sens être rien, c’est parce que je n’ai pas de racines, que je n’ai pas de père ». (Ou bien un père flottant, incertain comme sa propre identité : voir Tonton Macoute dans PSEUDO). D’ailleurs l’inconsistance de l’image paternelle (absence du père dans la petite enfance) rend facile cette glissade : il y a un trou en lui : il en fait un trou dans la généalogie. Il déplace.
(En fait cette intuition est géniale : c’est bien parce que le père a manqué au moment crucial de la formation qu’il est inconsistant, il y a bien un rapport de causalité, mais il transpose un événement psychique dont il ne sait rien en un acte civil : je suis un bâtard.)
La décision de se créer ex nihilo en choisissant AJAR et en lui associant une autre personne est un ultime effort pour se donner de l’être, un être neuf, je dirais, délié de tout lien avec cet être bâtard et incomplet qu’il sent en lui et qu’il fuit ; ce n’est pas pour nier la filiation dans l’état civil.
Ce déni du père s’exprime dans la création littéraire, nous avons vu que dans la vie civile, il est relatif : il sait très bien qu’il a un père et tient à le faire savoir à son fils.
La seconde question concerne les différents niveaux d’écriture.
On peut distinguer en effet deux niveaux d’écriture : celle des grands romans qui font sa célébrité et celle de textes étranges, parfois restés inédits.
Je crois qu’en créant il obéit à une double injonction
D’une part, il écrit pour obéir à l’injonction maternelle :’Tu seras un grand écrivain, mon fils ».
D’autre part, il écrit pour se donner de l’être, pour exister indépendamment de sa mère, pour se libérer
Conflit qu’il paraît résoudre par deux sortes d’écritures :
L’écriture comme composition littéraire achevée, c’est l’œuvre du grand écrivain ROMAIN GARY : « LES RACINES DU CIEL », « PROMESSE DE L’AUBE », « LADY L » etc…
L’écriture libératoire, est comme une défécation, une évacuation quotidienne : liée aux fixations sadique-anales : c’est l’écriture éjaculatoire du «VIN DES MORTS », de « PSEUDO », et sans doute d’autres textes non publiés, voire détruits, puisqu’il écrivait compulsivement chaque jour.
Cela explique que sa création soit inégale : du très bon et du plus ou moins mauvais. Il a échoué, par ailleurs, comme dramaturge : pourquoi ?
Chacune des deux fonctions de l’écriture trouve donc son expression privilégiée dans tels ou tels écrits.
C’est PHILIPPE BRENOT (il a lu LE VIN DES MORTS, resté inédit) qui constate que ROMAN KACEW dans LE VIN DES MORTS et EMILE AJAR, dans PSEUDO sont au plus près du vrai Kacew. J’ajouterais, et de sa folie.
D’autres questions encore pourraient être soulevées :
On peut soupçonner une faiblesse de la différenciation sexuelle, facile à comprendre chez une personne dont l’Œdipe a été entravé : une homosexualité latente refoulée et compensée.
Il aime les habits masculins d’apparat, c’est peut-être ce qui est resté du commencement d’identification au père : ces habits, symboles masculins soutenant sa masculinité défaillante.
Sa sexualité compulsive ressemble à un besoin de se prouver quotidiennement sa virilité. Il consacre peu de temps et peu d’intérêt à chacune de ses maîtresses, mais elles sont indispensables.
En conclusion, on a beaucoup écrit au sujet du « caméléon » mais l’hypothèse de l’enfant de remplacement me semble féconde pour expliquer les accomplissements difficiles sur le plan de l’action, les grandes réussites, conjuguées avec une dépersonnalisation voisine de la schizophrénie et finalement le suicide. Une mère dévouée qui voulait qu’il soit un autre lui a donné cette solidité fragile.
Œuvres citées :
- André GREEN : « La déliaison », Paris belles lettres 1992
- Guy ANSELLEM : « Les métamorphoses de l’identité », l’Harmattan Paris 2008
- Pierre BAYARD : « Il était deux fois Romain Gary » Presses Universitaires 1990
- Myriam ANISSIMOV : « Romain Gary, le caméléon »Gallimard 2006
- Matthew BESDINE : « The unknown Michelangelo »”
- Didier ANZIEU : « le moi peau », Paris Dunod 1995
- Philippe BRENOT : « Le génie et la folie », Plon,